Le baby clash : quand l’arrivée d’un bébé secoue le couple

On imagine souvent la naissance d’un bébé comme un moment de pur bonheur : un petit être qu’on attend, qu’on aime déjà, et qui va “souder” le couple. Et pourtant… beaucoup de parents découvrent après coup une autre réalité : celle du baby clash, cette crise conjugale post-naissance où les tensions s’invitent entre couches, fatigue et incompréhensions.

En thérapie de couple, c’est un sujet récurrent, et profondément humain. Non, vous n’êtes pas “mauvais parents” si votre couple traverse une tempête après l’arrivée du bébé. C’est souvent le signe que le couple est en train de se réorganiser.

Qu’est-ce que le baby clash ?

Le “baby clash” désigne la période de fortes tensions conjugales qui peut suivre la naissance d’un enfant. Ce n’est pas une pathologie, mais une crise d’adaptation. Selon une étude longitudinale menée par le chercheur américain John Gottman (2004), 67% des couples déclarent une baisse significative de leur satisfaction conjugale dans les trois ans suivant la naissance de leur premier enfant. Pourquoi ? Parce que tout change. Le rythme, les priorités, la disponibilité émotionnelle, la sexualité, le sommeil, l’intimité, … Le couple amoureux doit devenir un couple parental, et cette transition, aussi belle soit-elle, n’a rien de spontané.

Les principales sources de tension

  • La fatigue (physique et mentale)

    Le manque de sommeil et la charge mentale liée au nourrisson créent un terrain explosif. Tout devient sujet à conflit : la vaisselle, les biberons, les tours de garde, la belle-famille, la tétine qu’on a oubliée… Quand on est épuisé.e, le cerveau se met en mode survie : moins d’empathie, plus d’irritabilité, et une communication qui se grippe.

    • Le sentiment d’injustice

    Un classique du baby clash “j’en fais plus que toi”, “tu ne te rends pas compte”. La répartition des tâches, souvent implicites avant la naissance, devient soudain une source de ressentiment. Surtout si l’un des deux (souvent la mère dans les couples hétérosexuels) se retrouve à porter la majorité de la charge invisible.

    • La disparition du temps de couple

    Entre les biberons (ou l’allaitement), les lessives, et les siestes ratées, il reste peu de place pour le nous. Et pourtant, ce “nous” est essentiel. Sans lui, chacun fini par se sentir seul dans un rôle de parent, mais plus vraiment dans une relation amoureuse.

    • Le décalage des besoins

    Souvent, les besoins ne coïncident plus : l’un cherche du repos, l’autre de la reconnaissance, un troisième (le bébé) exige tout, tout de suite. Et la sexualité, dans tout ça, se met parfois en pause. Pas par manque d’amour, mais parce que le corps, l’énergie et le mental ne sont pas synchronisés.

    Ce que j’observe en consultation

    En cabinet, le baby clash ne se présente pas toujours comme tel. Il arrive sous d’autres formes : “on ne se comprend plus”, “je ne reconnais plus mon.ma partenaire”, “tout tourne autour du bébé”. Ce qui me frappe, c’est que l’amour n’a pas disparu. C’est la communication, l’attention et le sentiment d’équipe qui se sont effrités. Mon travail consiste alors à aider les couples à retrouver leur alliance, à repasser du mode “urgence” au mode “dialogue”.

    Comment accompagner (ou prévenir) le baby clash

    1. Redonner une place au couple. Le couple parental n’efface pas le couple amoureux. Mais il faut désormais l’entretenir activement : un repas, une balade, un câlin sans objectif, un moment de rire partagé… Ce n’est pas du luxe : c’est du carburant relationnel.

    1. Parler des émotions, pas seulement de la logistique. Trop souvent, les échanges se limitent à “tu prends le relais ?” “Il a bu combien ?”. La communication fonctionnelle remplace la communication émotionnelle. En thérapie, je propose souvent de réapprendre à dire “je suis fatigué.e”, “j’ai besoin d’être soutenu.e”, “je me sens mis.e de côté”. Ces phrases changent tout, car elles ouvrent la porte à l’empathie plutôt qu’à la défense.

    1. Repenser la répartition. Il ne s’agit pas d’avoir un tableau Excel parfait, mais de reconnaître ce qui pèse sur chacun. Parler de la charge mentale, des injustices ressenties, des automatismes genrés… Ce travail de lucidité évite que le ressentiment ne s’installe.

    1. Prendre soin du corps et de la sexualité. Le désir peut se mettre en veille après une naissance, et c’est normal. Entre la fatigue, la transformation du corps et la charge mentale, le retour à la sexualité demande du temps et de la tendresse. L’important est de garder le lien, sans pression. Le désir reviendra d’autant plus facilement s’il se sent accueilli, et non exigé.

    1. Se faire accompagner si besoin. Venir en thérapie de couple après une naissance, ce n’est pas un échec. C’est une preuve de maturité. Cela permet de remettre des mots, de sortir du mode automatique, et de retrouver un sentiment d’équipe.

    Le baby clash n’est pas la fin d’un couple, c’est une transition. Une secousse qui révèle les zones fragiles, mais aussi la force du lien. Avec du temps, du dialogue et parfois un accompagnement, beaucoup de couples en ressortent plus solides, plus conscients, plus complices. Parce qu’au fond, le couple n’a pas disparu : il est simplement en train de se réinventer.

    Vous traversez une période de tensions depuis l’arrivée de votre enfant ? Parler c’est déjà commencer à apaiser.

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